Exhibition

Les Cambuses

10 Sep 2019 – 19 Oct 2019

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« Les Cambuses » titre le livre et l’exposition de Sylvie Auvray.

About

Cabanons précaires de planches amassées, dressées par les ouvriers lors de la construction de nouvelles autoroutes, ces cambuses ont à la longue fait naître des villages, des maisons en dur, comme celle de sa famille en Corrèze, là où Sylvie enfant, passait ses étés à faire des assemblages.

Aujourd’hui, c’est aussi comme cela qu’elle nomme son atelier, les cambuses. C’est près du périphérique, au rez-de-chaussée de la cour d’un immeuble de la Porte d’Orléans qu’elle s’acharne à faire apparaître les figures en sommeil dans les matériaux qu’elle sculpte. Elle s’y entoure d’objets de provenances variées : vieux outils anthropomorphes, masques de geishas japonaises en papier et objets de culte de la tribu Hopi échoués aux puces de Vanves ; autant d’objets, d’images folkloriques ou mythologiques que de sources d’inspiration pour ses formes, toutes animées de la même malice provocante, impertinente ou simplement joueuse.

Traversée de l’antichambre de l’exposition :

Sous la canicule, le ventilateur secoue mollement les cordelettes du tablier fixé à l’envers, fait d’un tissu vichy bleu, tendu par une coulée de plâtre sec aux contours flous, sur lequel elle a marqué «JUICE», vite et avec le doigt. Près de l’inscription, deux tâches en provenance du fond d’une bouteille de produit chimique sans étiquette qu’elle a vidée là, juste pour voir ce qu’il y avait dedans ; à sa sortie, la substance gluante s’est dandinée grassement, ce qui a ravi Sylvie qui, absorbée par les vaguelettes de la matière, s’est dandinée à son tour. Elle a conservé cette réceptivité enfantine, attentive à ce qui reste de nerveux dans les matériaux mouvants.

Quand les temps de séchage sont trop longs ou les fours trop petits, elle utilise le plâtre et la peinture pour voiture, pour remplacer la terre et l’émail. Ces matériaux, elle s’en sent proche parce qu’ils conservent la fugacité de ses gestes et les stigmates de sa hâte. C’est qu’il lui faut du suspense pour faire naître ces formes vives : plâtre et adrénaline, terre et adrénaline, émaux et adrénaline.

Prise entre ses fours à céramique qui montent à 1300 degrés, elle craint à chaque instant de faire exploser
des poches de gaz lourd ou léger, laissées par les vapeurs de peinture aérosol rose avec laquelle elle a pimpé les socles cloqués. Derrière la porte du four : coulée mousseuse de métal chaud boursouflé, fondue de clous expansive et porcelaine. Elle fait tout brûler pour voir comment ça résiste, se transforme ou se casse. D’ailleurs souvent Sylvie recycle, chine, récupère : amour fou pour les vieux objets dans les vieilles maisons. Elle fait de même avec ses sculptures cassées ou juste amorcées, dont elle réunit les morceaux pour en faire des tas qu’elle finit par fagoter sur des branches de trois mètres. Ces fagots deviennent des sceptres, des bâtons de divination dépossédés puis re-possédés pour finir noyés dans la peinture. Morceaux de cagette, lacets de tissus, branchages, vieilles baguettes de céramique; autant d’objets émotionnellement chargés qu’elle collectionne et recycle quand ils ne sont plus que supports à mélancolie. Elle les implique dans ses pièces pour les remettre en mouvement et c’est ainsi qu’elle a cassé en trois sa peinture sur plâtre pour façonner un socle à la majesté crade, mimant le drapé d’une Vénus antique ayant laissé couler sa toge.

Parce qu’elle en a marre de travailler au sol et de se casser en deux, elle se fabrique des tabourets débiles aux jambes osseuses et sans genoux sur lesquels elle ne pourra de toute façon pas s’asseoir. Pour le moment ce sont des socles mais, après la cuisson, ce seront peut-être des sculptures, ou des éléments de décors branlants pour les coups pendables de quelques toons hystériques. Partout dans l’atelier il y a des pots sur la bordure desquels viennent s’imprimer les amorces narratives de comics dispersés : vignettes éclatées ou onomatopées arrachées au hors-série d’un Picsou Magazine. Ses pots sont comme les contours d’un trou sur lesquels elle dessine précipitamment à même l’engobe, pas encore assez dure mais assez molle parce qu’après c’est trop tard. Aussi, Sylvie adore l’idée que l’on puisse manger dans ses peintures. Elle en fait des plats hors format, affublés de fourchettes trop grandes, trop fragiles et trop lourdes, qui contredisent la saisie. Ces peintures impatientes tendent leurs rebords comme on tendrait ses bras et ainsi proposent un espace immersif et rond, dans lesquels s’engluent des messages publicitaires attrapés au dos des camions américains de l’autoroute I5 ou I455 : Joe the happy plumbber, We don’t drug our chicken, The cherry and the bee. Et comme les assiettes de Sylvie Auvray sont des peintures, ses balais s’érigent en sculptures, n’ayant besoin que d’un coin et vraiment pas d’un socle. Des présences toutes droites, en attente ou en suspens. Dans un coin on a donc puni les jeunes danseuses de Degas qui ont lâché la discipline pour revêtir des jupes de paille, de fil de lin et de plume de dinde, et se faire à la fois balais et sorcière. Les balais de Sylvie ont peut-être aussi avalé Legba ; divinité vaudou de la Côte d’or africaine, comparée au diable par quelques anthropologues du début du siècle. Legba déplace discrètement l’ordre que l’on met dans les objets pour ramener le chaos.

Inlassablement, Sylvie manipule ses formes qu’elle dit avoir peur d’essouffler ou de tuer, mais qu’elle laisse autonomes, une fois vivantes ou sauvées. Ses pièces électriques qui, comme Sylva, allégorie du Moyen Âge d’une matière première sauvage et sans limite, se tordent dans un désir de formes finies, harmonieuses ou exactes, mais restent dans une éternelle crise foisonnante et généreuse et ainsi nous contaminent.

Sarah Holveck

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Sylvie Auvray

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